Que reste-t-il de la vie quand elle touche à sa fin ? Quelle place laissons-nous à nos anciens ? Comment et que vit-on a 80, 90 ans et plus dans un Ehpad ? Quelle transmission peuvent-ils encore léguer aux générations à venir, alors que nous les tenons à l'écart de nos propres vies ? Que retiendrons-nous d’eux ?

Ces questions, je me les pose comme beaucoup d'entre nous et elles sont à l'origine de mon projet "Immersion".

Pour l'écriture de ma prochaine Pièce, je suis allée à la rencontre de personnes vivant en Ehpad où j'ai pu recueillir leur parole mais aussi celle de ceux qui les accompagne au quotidien.

Ce blog c'est un peu le journal de bord de ce projet. Je viendrai y déposer au fil de sa construction, de son écriture, photos, textes, vidéos...

Entrez en Immersion...


je suis...

18.3.19

Résumé de la pièce tous public en direction des théâtres


Marta, une comédienne de cinquante ans est engagée dans la résidence - Ehpad Beauséjour pour animer un atelier de théâtre avec les résidents.

C’est Corinne, l’infirmière-cadre qui assure son intégration. Ce plongeon dans la réalité brute du grand âge la fait vaciller. Elle puise le courage de continuer en se reconnectant à son enfance. Elle évoque des souvenirs avec ses grands-parents, sa peur de vieillir, ses doutes sur l’utilité de sa présence dans ce lieu.
Agathe, une aide-soignante de trente ans, l’assiste. Elle est responsable d’Odette, 96 ans et de Léon 87 ans. 


À la première séance de l’atelier, c'est le printemps. Odette est de mauvaise humeur, le repas à la cantine n’était pas à son goût et ses articulations lui font mal. Léon ne dit rien  et déambule à son gré. Marta propose des exercices et la lecture d’une scène tirée de « La dispute » de Marivaux. Odette et Léon s’exécutent à contrecœur et sans ardeur.
Marta à bout de patience menace de tout arrêter. Odette et Léon décident de lui faire confiance et montent sur scène. À l’issue de cette première rencontre, Marta est vidée, chamboulée. Elle ressent le besoin d’aller plus loin dans sa connaissance du grand âge. Elle reste à l’Ehpad la nuit, accompagne les aides-soignantes dans leur tournée lors de la toilette des résidents. Elle semble habitée par une quête intime qui la submerge.

Trois mois plus tard, c’est l’été. La confiance est installée entre tous. Odette écrit un conte sur sa vision de la vieillesse  pour la représentation finale. Léon fou amoureux d’Odette et réciproquement, pense plus à vivre son idylle qu’à faire du théâtre. Mais sous l’influence d’Odette il fera ce qu’elle veut.

À l’automne, c’est l’anniversaire de Léon. Il n'est pas bien. Odette Agathe et Marta tentent de lui faire oublier ses vieux démons. À la dégustation du gâteau, Léon s’étrangle. Le massage cardiaque d’Agathe le ramène à lui. Sous le choc, Agathe se confie à Marta.
Le 22 décembre c’est l’hiver. Un coup de fil. Tout s'accélère...



Les principaux thèmes abordés dans la pièce :
      La dépendance et la solidarité
      La fin de vie
      La mort
       L’amour
      La place du théâtre dans nos vies

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Extrait du texte de la pièce de théâtre.  (...)


Marta : IMMERSION I- EHPAD RÉSIDENCE BEAUSÉJOUR - PRINTEMPS

Large Couloir. Quelques chaises alignées le long du mur. Une vieille dame recroquevillée endormie sur une des chaises. Au loin, le son d’une sitcom diffusée à la télévision.
Entre Corinne, une infirmière-cadre de santé suivie de Marta
.


Corinne : Notre établissement a une capacité d’accueil de cent quinze lits.
Moyenne d’âge, quatre-vingt-six ans.
Nous allons de Gir 1 à Gir 6


Marta : Gir  , c'est quoi GIR? 

Corinne : Vous êtes en capacité de vous alimenter toute seule ?


Marta : Moi ? 

Corinne : Oui, vous.


Marta : Oui.

Corinne : De faire vos soins quotidiens toute seule ? 


Marta : Oui

Corinne : Vous êtes Gir 6, c’est à dire autonome.


Marta : Ah.

Corinne : Comme moi.


Marta : Oui. Et Gir 1, c’est ? 


Corinne : Vous êtes grabataire, cloitrée au lit ou au fauteuil.
Vous êtes en fin de vie.


Marta : Oui. Et entre les deux ? 


Corinne : Le niveau de dépendance est évalué, catégorisé.
Ce que vous faites seule, ce que vous ne faites pas seule.
Spontanément, totalement, habituellement, correctement ou non.
Vous me suivez ?

Marta : Absolument.


Corinne : Lorsque vous arrivez ici, nous travaillons à votre projet de vie.


Marta : (regardant la dame endormie) Qu’est-ce qu’elle a cette dame ?


Corinne : Madame Forest, 94 ans, ancienne professeure à la faculté de Bordeaux., docteur en littérature (à la vieille dame, fort)Vous faite un petit cluc Madame Forest ? (la dame ne bronche pas)
Elle fait la sieste.
J’en étais où ?

Marta : Au projet de vie.


Corinne : Oui. Nous partons de l’histoire de vie de la personne. Sa famille, ses habitudes, ses goûts alimentaires et en face nous proposons des objectifs.
Préserver l’autonomie le plus longtemps possible. Voilà mon but.
Les activités comme votre atelier participent à ce maintien.

Marta : Parfois c’est compliqué, non ?

Corinne : La dernière personne rentrée est grabataire. Pardon, je vous devance.
Ici, la salle de restaurant qui est aussi une salle polyvalente.

Marta : C’est lumineux. C’est là que je ferai l’atelier ? 


Corinne : Oui, c’est la plus grande salle de l’établissement.
C’est dans cette salle que l’on sert le repas du midi et les goûters d’anniversaire, une fois par mois. J’aime bien venir les voir.
Je leur souhaite un bon appétit et ils ont toujours quelque chose à me dire.


Marta : Comme quoi ?

Corinne : S’ils n’ont pas bien dormi. S’il y a eu quelque chose à la toilette, si la nourriture ne leur convient pas. Si la famille vient les voir, ou pas. Ils me complimentent sur ma tenue.
Si je suis en robe, en pantalon. Il faut faire très attention à sa tenue.


Marta : Ils choisissent leur table ? 


Corinne : C’est nous qui décidons en fonction des affinités et de la texture des repas.

Marta : La texture ?

Corinne : Normale. Hachée. Mixée. Très important la nourriture. S’ils mangent bien, tout se passe bien.

Marta :   J’espère que demain ça leur plaira, je commence juste après le repas.


Corinne : Demain, c’est du manger mains. C’est ludique et la plupart aiment ça.

Marta : Tant mieux.


Corinne : Ici les résidents m’appellent madame Corinne. C’est eux qui ont choisi.
Voilà.(Elle rit)
L’important pour nous c’est de préserver un effet
« comme à la maison ».
Vous verrez, ils sont très attachants.
C’est une population qui est.
Après ils sont.
Voilà.
Vous allez avoir des personnes qui…
Voilà.
Mais il y en a d’autres qui seront très reconnaissantes.
Ça dépend des personnes, des moments.
C’est
Voilà.
C’est très enrichissant.
Des questions ?

Marta : Je-

Corinne : Vous voulez un verre d’eau ? Ce printemps est caniculaire.

Marta : Non merci, c’est.

Corinne : Vous êtes toute pâle.

Marta : Je fais un peu de spasmophilie, ça va passer. (Elle prend un médicament dans son sac et l’avale) Je voulais vous demander… l’atelier que je vais animer…

Corinne : Vous voulez du sucre ?


Marta : Je. Je vais venir durant plusieurs mois, enfin j’espère que je vais y arriver et une restitution est prévue devant les familles. Si pour des raisons de santé ou de … Vous comprenez ?…
je veux dire des personnes qui ne pourraient plus suivre l’atelier jusqu’à…

Corinne : La mort fait partie de la vie de nos établissements. Occupez-vous de ceux qui restent. Apportez de la vie dans leur quotidien et tout ira bien. (Son bip retentit)
On m’attend en transmission.
À demain. Bienvenue à la résidence Beauséjour.

Marta : Merci.

NOIR.